Histoire agricole Les chevaux d’attelage, fidèles compagnons de la ferme
Atteler les chevaux pour les travaux des champs répond à une technique particulière. Deux cultivateurs de l'Oise s'en souviennent.
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Pour la plupart, les chevaux ont disparu au labour dans les années 1950 ou 1960. En dehors des vieilles photographies, les témoignages des anciens charretiers et des fermiers retraités font revivre les attelages qui identifiaient fermes et domaines, surtout au Nord, à l’Est et dans l’ensemble du Bassin parisien. Ainsi en va-t-il de deux cultivateurs de l’Oise, Paul Lefebvre, ancien fermier à Ognes, né en 1904, et André Chartier, à Ève, né en 1903, que j’ai interrogés en 1984 et 1985. Leurs témoignages se confirment tout en livrant les inévitables variations d’usage d’un lieu à l’autre.
« Généralement, rapporte Paul, les attelées étaient à trois chevaux que l’on retrouvait aussi bien en plaine que sur route, sous la responsabilité du même charretier ». Les chevaux travaillant toujours ensemble, ils s’entendaient très bien. Ils avaient une place fixe, définie en fonction du charroi. Le limonier, attelé dans les limons (les brancards) de l’équipage, devait avoir le plus de force car il supportait directement son poids ; le chevillier, qui suivait, était plus vieux (6 à 15 ans), et n’avait pas de qualité particulière. En revanche, pour André, le « chvillé » – comme l’appelaient les charretiers – était un jeune qu’on mettait pour le former. Enfin le cheval de devant, qui dirigeait l’alignement sur route lorsque les chevaux marchaient en file, devait avoir des qualités d’entraîneur : il avait l’énergie pour tirer les autres ; intelligent, il réagissait rapidement à la voix du charretier.
Généralement, trois chevaux suffisent pour les labours mais il arrive qu'on attelle un quatrième cheval.
Dans la plaine, à la charrue, les trois chevaux allaient de front. À la charrue, pour labourer à plat, dans les limons d’Ognes, le cheval de devant allait à gauche, le chevillier au milieu et le limonier à droite. Le chevillier restait sur la terre non labourée. Sur Ève, à l’aller le limonier marchait dans la raie, au retour c’était le cheval de devant. Pour les gros labours – ceux des betteraves à 45 cm de profondeur au lieu de 25 – on avait besoin d’attelées de bœufs. Cependant les charrois restaient majoritairement assurés par les chevaux qui fatiguaient moins sur la route et allaient plus vite.
Il arrivait qu’on ajoutât un quatrième cheval. « Nous avions, se rappelle André, cinq attelées de trois chevaux et deux attelées de six bœufs ». Parfois, pour livrer de la paille ou du grain à Paris, sur le marché de la porte de la Chapelle, à quarante kilomètres, le « pailleux » ajoutait un quatrième cheval. Au travail des champs, pour labourer à 20-25 cm de profondeur, trois suffisaient ; on en mettait quatre pour labourer à 30-35 cm mais pour les labours profonds on préférait les bœufs, plus faciles à conduire. Le quatrième cheval, rarement attelé, était le « cheval de fouet », un souvenir des anciens attelages de poste où les postillons, montés sur les chevaux de gauche, fouettaient les chevaux de droite. On achetait les animaux en général à des marchands de chevaux de la région comme Crépy-en-Valois, ce qui permettait de les échanger s’ils ne faisaient point l’affaire. Acquis à 3-4 ans déjà dressés, les équipages restaient jusqu’à 14-15 ans et on les gardait même « hors d’âge ». Les chevaux étaient les plus fidèles compagnons de la ferme : on ne les revendait qu’entièrement usés.
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